J’apprends, dans le journal, que Le solide compagnonnage entre écologistes et chrétiens peut s’expliquer en premier lieu par des préoccupations communes, au premier rang desquelles, la préservation de la nature. /…/ Une figure tel Saint François d’Assise qui évoque le soleil et les oiseaux comme « ses frères » en est l’illustration.1
Admettons !
Ça fait quelques mois que j’ai envie de faire entrer François d’Assise sur ce site bourré d’oiseaux. Sa porte d’entrée aurait été Uccellacci e uccellini, de Pier Paolo Pasolini. Je l’ai vu il y a vraiment longtemps et j’ai un souvenir lointain de Toto se promenant dans la campagne romaine avec un jeune garçon, accompagnés d’un corbeau bavard et dialectique. Puis de ces deux gaillards, devenus converts, parlant aux oiseaux. Pasolini c’est compliqué et il aurait fallu revoir le film pour en parler.

Une autre alerte est venue, silencieuse, il y a quelques jours de Anne C., pistarde émérite de Decbel. Un fixé sous verre de Claude Mané daté de 1938, représentant François prêchant aux oiseaux. C’est une œuvre de jeunesse de cette artiste qui s’orientera plus tard vers un art brut, halluciné et visionnaire.

Que Decbel m’entraine vers Pasolini n’est pas si étonnant. Aux oiseaux de Decbel, il manque la parole. Le prolixe et cinématographique corbeau de Pasolini la prend pour, rêvons un peu, la rendre à tous ses congénères.
Enfermés qu’ils sont dans leur belle cage de verre, il leur manque aussi la liberté. Le François de Claude Mané, merveille de composition classique n’annonce pas vraiment ce qu’elle fera plus tard quand elle se sera libérée des complexes bourgeois du savoir peindre.2

Les quelques pistes que nous avons de Decbel se rejoignent sur un point : la privation de sa liberté, que ce soit par la maladie ou par la déportation. Oiseaux, calèches, bateaux auraient été les outils symboliques d’un départ vers un ailleurs, de la reconquête de la liberté en ces années d’après-guerre.

La mise en relief donne corps aux oiseaux, matière aux bateaux.
Mais pour que la liberté soit complète, que les oiseaux chantent et volent, il aurait peut-être fallu que Decbel, comme Claude Mané l’a fait en se libérant des contraintes du savoir peindre, s’aventure sur des chemins plus hasardeux de l’art.

Mais qui nous dit que cette aventure, ces oiseaux ne viennent pas de la vivre ? Qu’ils ne viennent pas de se poser, épuisés d’un voyage au long cours, heureux de l’abri du verre ?

Leur liberté est ici. L’aventure est à venir, peut-être.

1 Entre écologie et christianisme, la communion. Luc Chatel. Le Monde. 24 décembre 2020.
2 Claude Mané Prat. Alphonse Chave.  Catalogue d’exposition 1969.


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