Jean Rolin m’avait mis la puce à l’oreille dans le Traquet kurde : « une volée de chardonnerets, dans tout le Moyen Orient, l’oiseau le plus souvent mis en cage et vendu comme chanteur, au point que le trafic constituerait pour certains groupes islamistes, une ressource complémentaire ». Dans un article du Monde, il y a quelques jours, Angela Bolis précise les dangers qui pèsent sur la tête de l’oiseau : pesticides, diminution des zones de friche et son succès. En Provence, dans la région de Marseille et en Afrique du Nord, il porte bonheur dans la maison. Il est beau, coloré et son chant !… Il monte dans les aigus, descend dans les graves. Il apprend ce qu’on lui enseigne alors les éleveurs lui passent des CD, des MP3 du chant qu’ils considèrent le plus pur, le plus beau, ça s’appelle l’écolage. Le soir, on sort la cage sur la terrasse, il chante, ses copains viennent, chantent aussi. Un vrai concert. Du coup, il est recherché, sa population en France a chuté de 40 % entre 2010 et 2020, au Maghreb encore plus, en voie de disparition et protégé. Maylis De Kerangal explique que, en Algérie, chaque chardonneret chante avec l’accent de son coin et, pour Vinciane Despret dans Habiter en oiseau, « chacun de ces oiseaux est l’expérience d’une portion d’un monde, il l’incarne : le chant a marqué le territoire, le territoire a marqué le chant », cartographie sonore. Pour les chrétiens, il évoque la passion du Christ : le chardon dont il se nourrit et d’où il tire son nom, évoque la couronne d’épines. Au moment du portement de la croix, un oiseau pris de pitié aurait enlevé des épines de la couronne de Jésus et il aurait reçu une petite goutte de sang sur la tête. C’était certainement un chardonneret.
Bref, c’est une star désirable et c’est son malheur.
Chardonneret. Decbel. Fixé sous verre multicouche. 19,5 cm x 14,5 cm